Il m’a fallu 12 ans et demi pour en avoir une conscience claire et nette, comme une révélation. Petite souris, cheval sauvage, dragon, sont les clichés animaliers qui s’imposent quand on te regarde vivre.
Il y a sans doute un peu de ce bestiaire en toi. Quand tu vas bien.
Mais régulièrement, depuis 12 ans et demi, il a des moments où c’est dans l’aquatique que tu te réfugies. Le homard, qui change sa carapace, oui, ça tu l’as lu, et compris. Mais c’est beaucoup plus ancré que cela. Plus ancien. Plus incompréhensible et sournois.
Tu as peur de ne pas y arriver. Comme beaucoup d’enfants, c’est sûr. Mais toi tu n’essaies pas si tu as peur. Je me souviens de ces yeux tristes et vides que tu m’as lancés quand la maitresse de moyenne section m’a dit, devant toi » mais non seulement elle ne parle pas bien, mais en plus elle ne comprend rien »!.
Tu es resté accrochée au rocher. Et tu t’es fermée, petite huitre fragile et solide.
Les adultes ont frappé à la coquille. Parfois violemment, comme cette maitresse dont je n’oublierai jamais l’incompétence. Les adultes ne comprennent pas que tu n’acceptes pas leur aide. Mais tu es comme ça. C’est quand tu l’as décidé. Quand tu ouvres la coquille, quand tu es prête.
C’est drôle comme on oublie. A 5 ans, tu ne parlais pas, ou si peu, tu dessinais mal sur un tout petit côté de la feuille et tu n’écrivais pas ton prénom. A 6 ans tu savais lire et compter. Bien sûr, tu as pu retrouver ta coquille pour des choses angoissantes pour toi, comme la géométrie, mais on a enfoui ça dans les tréfonds de nos angoisses de parents…
Après tu as été classée « bonne élève ». Timide, pas toujours régulière, parfois surprenante. Des petits séjours dans la coquille périodiques, mais de courte durée. La confiance était là.
A la lecture de tes bulletins, qui ne sont pas si mauvais, ça m’a sauté aux yeux. Pourquoi tant de violence, de mots durs, de jugements, dans les appréciations des enseignants?
14 de moyenne en 5e, certes, c’est beaucoup moins bien qu’avant, mais ça reste correct. En 2e année de second cycle en formation musicale, lauréate à un concours de violon national, tu vas peut être préparer le 3e cycle en fin d’année, si tu es prête. Et quoi, si tu redoubles ton année de FM, tu ne seras pas la première, non?…. Et si tu n’entres pas en 3e cycle à 12 ans et demi, on n’en fera peut être pas une jaunisse?
Tu as souvent ces grands yeux vides, comme à 4 ans. Fermée sur ton rocher. Les adultes, et tes parents aussi, frappent de plus en plus fort, te somment de t’ouvrir, te proposent des contrats et des ultimatums.
Ce n’est pas de la mauvaise volonté, je pense. Pour t’avoir vu en larmes parce que tu n’arrivais pas à faire ton exercice de FM, je crois bien que l’huitre est une solution de survie. Tu n’oses affronter ce que tu ne sais pas faire. Comme à 4 ans. Alors tu dissimules, derrière une fausse désinvolture et des petits mensonges.
Peut-être parce que chacun y voit la perle. Et croit bien faire. « Accepte notre aide » entends tu de toute part. Et plus on tape sur la coquille, plus tu te fermes.
Peut-être n’es tu tout simplement pas prête. Comme à 4 ans. Peut-être peut-on se contenter de ce que tu nous offres. La perle est déjà bien jolie…
Sicilienne et Rigaudon Kreizler 30032013 from Fanny on Vimeo.
Chacun sa méthode, le tout est qu’elle arrive à trouver la voie qui lui permette de s’épanouir, même si ce n’est pas celle la plus conformiste.
En tout cas, je suis impressionnée par ce joli morceau. A moi, ça me semble bien compliqué…
Je suis toujours sidérée par la brutalité des mots que certains collègues peuvent envoyer.
J’ai passé ces dernières années à pester contre les mômes qui ne bossent pas, qui n’ont pas de curiosité, qui n’écrivent pas bien…jusqu’à ce que ma collègue, à 3 mois de la retraite, me dise combien elle aime ces mômes, qu’elle adore les petites bévues qu’ils peuvent sortir. Je crois qu’avec quelques mots, elle m’a laissé entrevoir de nouveau le bonheur que c’est d’avoir des petites perles devant soi, prêtes à être découvertes.
Depuis ce fameux jour, je revois ce métier comme à mes débuts, et je m’aperçois que ce que je constatais manquer à mes élèves n’était que ce que je devais leur donner.
J’espère bien que ta petite tombera aussi sur des enseignants qui ont retrouvé ou n’ont jamais perdu l’amour de leur métier.
14 de moyenne, c’est drôlement bien, je trouve. L’équilibre personnel prime.
Bises
A partir de la seconde, j’ai eu une scolarité difficile, malheureuse, compliquée, violente et ça pendant près de 10 ans quand même. Je crois que le jour où j’ai eu mon diplôme d’Assistante Sociale (au deuxième essai), a été un des plus beau jour de ma vie, cela voulait dire plus d’école et donc dans ma tête plus de jugements, de notes… bon je me trompais mais quel poids en moins!
Alors, il faut s’accrocher, serrer les dents et ne pas se laisser dévaloriser.
Et puis cette perle, elle brille malgré tout!
Tu écris là un texte juste et plein d’amour.
Mais que c’est difficile de les aider à grandir!
est-ce que c’est cette insécurité intérieure qui lui donne une telle grâce?
je te l’ai déjà dis (et je me le dis tous les jours pour le mien afin de me remonter le moral !) mais cette différence fera d’eux des êtres différents, envahis d’une force supplémentaire…
mais en attendant, nous les génitrices, punaise, on rame!!!
je vois pas la terre…
crie quand tu la verras que je le sache…
gros bisous à toi et à tes satellites
Bon peut-être que je suis hors sujet, je voulais juste dire que ça me semble plus difficile dans le système français qui ne laisse qu très peu de chances aux enfants qui ne rentrent pas dans le moule.
Tu as vu le film alphabet qui traite des système d’éducation dans le monde? Ça m’a renforcée dans mes convictions et donné de l’espoir.
Bon courage
Emeline
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