Un jour je trouverai les mots.
Les mots justes qui racontent les rayures anarchistes du zèbre. Celles qui ne sont pas comme les autres, pas assez alignées, trop tordues, trop personnelles pour une adolescente qui voudrait ne pas être vue, ne pas être différente du troupeau.
Les cris, les colères, les déceptions, les apaisements.
Les mots qui ne dénaturent pas, qui expliquent sans discourir, qui éclaircissent sans exhiber.
Je pense que c’est ici que je viendrais les poser.
Je les cherche. Ils prennent le temps.
Ils s’adoucissent et se raisonnent, quand une petite lucarne s’ouvre sur la citadelle imprenable du cerveau reclus, apeuré, emmuré.
Ils deviennent amers, quand les peurs viennent engloutir les efforts en quelques secondes, tsunami dévastateur ne laissant sur son passage que l’impression d’un immense gâchis.
Quand elle aura décidé d’affronter le monde, quand elle voudra bien accepter d’avoir une perle rare et de l’exhiber sans honte, sans doute les mots viendront tout seuls, expliquer la douleur de ces enfants un peu différents que certains qualifient de zèbres. J’encouragerai, je conseillerai. Je raconterai avec un peu de cynisme désabusé l’inadaptation de l’institution, et les bonnes volontés salvatrices (quelques profs que je ne remercierai jamais assez).
Il n’y a pas eu de musique, il n’y a pas eu d’amis invités qui remplissent la maison de joies, de notes et de jeux, même débiles…, il n’y a pas eu de ces petites fiertés parentales qui te font croire que tu réussis ta mission éducative. Il a fallu se contenter. Se mettre en cause. Prioriser. Trouver les brèches pour rentrer dans la forteresse, quelle que soit l’heure du jour ou de la nuit. Ménager les petits frères inquiets. Il a fallu résister au découragement. Ne pas coller sa valise sur le seuil de la maison.
Rire avec l’indiscible. Parce que c’est ce qui « marche » le mieux.
« Si tu te suicides tu seras privée d’ordinateur toute ta vie«
Trouver la force de la dérision pour revenir à la raison.
écoute de la musique limitée à 30 sec, c’est frustrant, tiens …
Mais j’ai des fiertés de parent. Quand il essaye de faire des jeux de mots pour imiter ses frères, quand il rentre, tout fier, avec une note objectivement mauvaise, mais tellement bonne pour lui que je le félicite. Quand la maîtresse lui donne les mêmes exercices que les autres pour qu’il ne se cantonne pas dans la médiocrité et que je vois qu’il progresse.
Et depuis que je suis en Suisse, je constate que cet enfant est pris en charge de façon merveilleuse, et qu’il y a moyen de monter un projet professionnel pour lui. Quel soulagement.
Depuis qu’il est ici, il a des amis, il va les voir, et ils viennent à la maison.
Lui aussi a sa place, lui aussi va frayer son chemin. A son rythme, à sa façon, mais elle sera belle, et je pourrai m’en réjouir avec lui.
Ta fille aussi fera des prodiges, à sa façon, et tu seras fière d’elle. Tu l’es d’ailleurs déjà !
Quelque part, c’est un handicap. En tout cas pour notre système scolaire!
Tout ce qui est rare est précieux.
Le système dans lequel nous évoluons, cette société, n’aime pas les individus qui ne rentrent pas dans les cases. Le système scolaire surtout. Je suis persuadée que tu trouveras les mots pour guider Heilane sur le bout de chemin qui la conduira vers la lumière, SA lumière à elle. Tout est subjectif.
Peu d’amis, mais des vrais, des rayés souvent. Parce que c’est difficile de rentrer dans le moule. Par qu’on veut trop leur ressembler, aux autres.
Le comprendre, l’accompagner, et souvent se disputer. Trop similaires dans notre différence peut-être. Mais être là, l’aimer, sans condition et pour toujours.
D’un autre côté, toi et moi on n’aime pas rentrer dans les cases n’est ce pas? et ben là on est super hors cadre !!
des bises Fanny
Pas simple en effet. La mienne engloutit toutes les émotions. Y compris et surtout celles des autres. Notamment les miennes. Cela donne un vase trop plein, un cerveau qui cogite beaucoup trop et qu’on n’arrive parfois plus à éteindre. Tellement plus qu’il s’emballe et que maman paniquerai presque… si elle n’était pas elle-même passée par-là.
Zèbre, on se croit normal, on pense que tout le monde pense (fonctionne) comme nous. Et lorsqu’on découvre que ça n’est pas le cas, on est perdu. Bon courage. Des zèbres, y’en a de toutes les formes… et plus les années avancent plus on apprend à se connaître et à vivre avec soi-même.
Bises
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