Dire qu’Elle m’inquiète est un doux euphémisme.
On pouvait présager, étant donné son caractère trempé, que l’adolescence ne serait pas simple. Évidemment, ce n’est jamais comme on avait imaginé. On aurait pu s’attendre à à une opposition frontale avec les parents « trop nuls », et non, ce n’est pas ça. Ouf?…
Le problème se cristallise autour de l’école. La Classe à Horaires Aménagés, du moins la nôtre, celle d’un collège de Centre Ville d’une grande ville bourgeoise, est destinée à des enfants de Centre Ville de familles bourgeoises. Cours tous les jours de 8h à 17h30, voire plus tard, avec beaucoup d’heures de creux, pénalisant forcément les enfants de la banlieue dont les parents travaillent… Les profs qui y exercent n’ont pas dû connaitre les enfants « normaux ». On y sent une réflexion pédagogique très poussée… Ah qu’il est stimulant pour un enfant de voir que sa moyenne passe de 19 à 17 car « il n’a pas participé »! Le niveau de la classe est « excellent », disent-ils. Tellement excellent qu’on peut se passer d’explications, de logique, d’objectifs, de méthodologie. Tellement excellent qu’on ne se pose pas trop de questions: quand un élève a une sale note, c’est forcément par manque de travail. Tant pis s’il a passé trois heures à réviser, et que le prof a décidé de donner un exercice sur le cours qu’il a fait l’heure d’avant (ben oui, on fait les cours par blocs de deux heures, on a démontré que c’était tellement efficace et adapté au rythme d’un enfant de 11 ans…) Aucun danger qu’un enseignant s’interroge sur sa formulation. En 6e, PiR2, ça veut forcément dire PiXRXR. Et pas PiXRX2, hein… Pas besoin de l’expliquer, à quoi bon? Au pire, celui qui n’a pas la science infuse a soit une maman à domicile pour expliquer, soit des cours du soir, histoire d’être sûr que jamais il n’aura le temps de faire autre chose.
Difficile donc, d’être un peu lent, dans ces classes pour petits singes savants. Difficile quand on n’est pas un warrior compétiteur et paradeur. Un apprenti musicien, c’est forcément un extraverti affirmé, parfois un peu prétentieux, mais c’est c’est comme ça qu’on apprend l’Art…
Difficile de manquer de confiance en soi, de ne pas oser dire au prof « j’ai travaillé, mais je n’ai pas compris ». Dans certains collèges, réussir, c’est être intello, c’est naze. Dans celui là, montrer qu’on a besoin de travailler, c’est la honte. Ça veut dire qu’on est pas « doué ».
Elle a perdu confiance. Pas en musique, hein, là dessus, elle a conscience de son talent. Pour autant, elle ne s’en sert pas pour frimer. Ce serait facile, pourtant, de filer aux copains les partitions des musiques à la mode qu’elle repique à l’oreille sans une erreur.
Le Dimanche soir, elle ne s’endort pas avant minuit, les boyaux tordus et les larmes à portée. Immanquablement, elle rate les contrôles pourtant travaillés (pendant quelques heures, on a si peu de choses à faire le week end…) et compris. Pour ne pas sombrer, elle se lance à corps perdu dans la vie sociale du collège. Souriante, appréciée, marrante, cool, disent les copains. Timide, effacée, inexistante, disent les profs.
A la maison, le paradoxe explose. La phobie scolaire se dessine, lentement, sûrement. Le tunnel ne semble pas avoir d’issue, l’éventualité d’un changement de Collège représente pour elle l’échec absolu, et le risque de ne plus faire assez de musique. (et pourtant, elle en aurait sans doute plus le temps…) Retrouver la confiance, en elle, en nous, semble une gageure irréalisable.
Pendant ces quelques jours de vacances, on a essayé de couper, d’oublier, de lâcher prise.
De laisser la petite chrysalide se développer à son rythme, sans pression.
Chorégraphie sur une glace et Les Beatles, pour faire la nique au prof de Chorale qui lui trouve une « timidité génante »… (si si… Ah bien sûr, il lui reconnait une oreille parfaite et une très jolie voix, mais c’est en lui disant des choses comme cela qu’il cherche à la faire progresser….)
Après midi « magasins, tu choisis ce que tu veux » pour se rendre compte qu’elle a fort bon goût,
Coiffeur pour se libérer de la longue tignasse enfantine et contraignante…
Et une tunique sur commande pour aller avec ces yeux là…
Tunique Olivia, patron madame Maman, en 12 ans. Pas de volant, mais une ceinture, dans le bas. Le patron est, comme Eton, absolument parfait, dans la taille, les explications, et même le packaging…
Tissu Etoffes des Héros.
Ne reste plus qu’à déployer ses ailes…
(j’ai retiré l’élastique qui faisait un peu trop blouser depuis, mais je n’ai pas d’autre photo, la chrysalide craint la surexposition photographique…)